10h passé au réveil, Paul se décida à se lever de son lit qu'il avait rejoint 6 heures plus tôt. Encore une nuit agitée, encore une nuit courte. Il n'aimait pas ce moment sombre de la journée où toutes sortes d'espèces surnaturelles dont ses propres congénères peuplent les rues de cette ville canadienne. Il se savait lui même non humain, mais après toutes ces années, il n'avait pas accepté son sort, sa nouvelle nature. Sans doute parce qu'il ne la maîtrisait pas complètement et avait l'impression que c'était une autre personne qui cohabitait dans son corps. Un autre que lui, un autre que celui qu'il avait été, une bête.
Sachant pourtant la malédiction qu'il portait en son sang, il s'était aussi éloigné des humains, l'obligeant à mener une vie en solitaire coupé de toute relation, de tout contact. Enfin presque ! La modernité lui avait apporté un moyen de se reconnecter aux autres à travers internet et puis les réseaux sociaux. Derrière son écran, il pouvait être n'importe qui : un homme, une femme, un jeune, un senior, un cinglé ou tout simplement un mec normal. Pas de téléphone en revanche, pas de communication vocale. S'il lui arrivait ponctuellement d'avoir un smartphone, c'était uniquement avec une carte prépayée et un nouveau numéro renouvelé régulièrement pour ne pas laisser de trace et pour valider un paiement avec un nom et un numéro de carte "empruntés".
Sur le DarkNet, il possédait un pseudo avec un début de réputation. Il lui arrivait en effet de rendre des services pour du piratage moyennant financement via compte paypal ou autre. C'est ainsi qu'il gagnait sa croûte pour payer son loyer et les ressources de première nécessité.

Ouvrant un pan de volet pour éclairer l'intérieur de son petit studio, il récupéra un bol sale dans l'évier, le remplit de céréales et compléta avec le fond restant d'un gallon de lait. Il prit son petit déjeuner en écoutant les infos à la radio. Un t-shirt, un jean troué, une veste universitaire, des socks et une bonne paire de chaussures, il était prêt pour sortir.
A l'extérieur, l'air se réchauffait, il faisait beau. Paul se regarda dans le miroir, passa une main sur sa barbe de 3 jours et de l'eau dans ses cheveux pour les coiffer. Il saisit son sac, une paire de lunettes de soleil, ferma le volet et sa porte d'entrée à double tour avant de dévaler rapidement les 6 étages via l'escalier bien que l'ascenseur soit fonctionnel.

Dans la rue, il se dirigea droit vers une station de bus et chopa le 1er qui s'arrêta en pénétrant par la porte arrière sans valider de ticket. Il avait pris l'habitude de resquiller et de descendre au 1er arrêt dès que des contrôleurs pointaient un bout de leur uniforme. Sa destination changeait quotidiennement. Pas de quartier de préférence, mais si certains commerces notamment de restauration comptaient dans ses préférences de fréquentation.
Dans les transports en commun, la faune locale offrait un large panel des différentes classes sociales. Derrière ses lunettes noires, il s'amusait à deviner la vie, le métier que chacun avait, écoutant leur musique qui débordait des casques audio, suivant leurs conversations téléphoniques, observant leurs tics et manières. Les sacs entrouverts, les portefeuilles dépassant des poches étaient d'autres cibles de son attention. Un larcin facile était une journée gagnée d'avance.

Cette journée-là ne s'annonçait pas facile. Un bataillon de fonctionnaires en uniforme attendait de pied ferme à l'arrêt suivant. Un groupe à la porte avant, un autre à l'arrière. Paul opta pour la fuite et força le passage, s'éloignant avec conviction en faisant la sourde oreille aux injonctions qu'on lui criait dessus. Qu'allaient-ils faire ? Le courser pour vérifier s'il avait oui ou non validé un ticket ? Il savait bien qu'ils ne perdraient pas de temps pour si peu et surtout au risque de se prendre un coup au passage.

Quelques pâtés de maisons plus loin, il s'arrêta à un café qui lui convenait : il proposait le wifi. Commandant un café, il s'attabla dans un coin isolé et sorti son pc portable du sac. Il s'y plongerait pendant les 2 prochaines heures terminant sur un snack rapide à grignoter avant de changer de lieu. Bien que prenant soin d'effacer ses traces sur la toile, sa parano lui conseillait de ne jamais s'éterniser trop longtemps au même endroit en étant connecté.

Ses pas l'amenèrent ensuite à déambuler du côté de l'Opéra. Il y avait là une population plus aisée, des cibles plus faciles et plus cossues. Il fit le tour du quartier comme un touriste visitant le coin. C'était la fin d'après midi et les caisses de l'opéra venaient d'ouvrir pour y acheter ou retirer des places de spectacles.
Assis sur les marches du grandiose bâtiment à côté d'autres badeaux alors que le soleil déclinait, Paul observait la file d'attente, repéra sa proie et passa à l'attaque. Sa tactique était simple et toujours la même : heurtait une personne ayant sorti son porte-feuille voir même sa carte pour la lui ramasser en s'excusant courtoisement non sans avoir au préalable pris le temps nécessaire à mémoriser le numéro de série à 16 chiffres. Plus tard en soirée, une fois que la victime serait occupée à profiter de sa soirée concert, lui serait derrière son pc à faire quelques emplettes sur ces sites d'e-commerce où seul le numéro de carte bancaire suffit.

C'est en traînant les pieds qu'elle rentra des cours. Alicia avait été une nouvelle fois convoquée en fin d'après-midi et la directrice ne semblait guère ravie de son comportement. Elle en avait marre qu'on lui rabâche les oreilles avec tout cela ; pourquoi personne ne pouvait la laisser tranquille ? Après tout elle ne gênait pas le cours de ses autres camarades, elle restait silencieuse et dans son coin. C'était d'ailleurs ce qui semblait inquiéter l'équipe enseignante : elle ne s'intégrait guère à sa classe et passer son temps seule. L'adolescente avait bien essayé de leur expliqué qu'elle ne se sentait nullement seule et que la situation lui convenait, mais rien à faire, personne ne semblait approuver son comportement.

Maintenant qu'elle était chez elle, Alicia savait qu'elle allait devoir affronter le deuxième sermon, celui qu'elle appréciait le moins. Sa mère n'avait pas encore débarqué quand elle avait sonné son entré, alors elle se contenta de prendre son goûter et le déguster devant la télévision. Il ne fallut pas plus de dix minutes pour voir Élise devant sa fille, l'air tout à fait mécontente. L'adolescente leva les yeux aux ciels, ça y est c'était partie. Les remontrances étaient les mêmes que d'habitudes et cette fois-ci sa mère avait été convoqué, ce qui semblait lui déplaire au plus au point. Alicia bouillait, elle en avait marre de ce disque qui se répétait en boucle, elle en avait marre qu'on ne la laisse pas tranquille, qu'on ne lui laisse pas d'espace pour respirer. Comme à chaque dispute de la sorte, sa magie bouillonnait et le verre de lait explosa à ses côtés. Un morceau se planta dans sa main et avant qu'Élise ai pu faire quoi que ce soit, Alicia se volatilisa dans la salle de bain pour soigner sommairement sa main avant de s'enfermer à double tour dans sa chambre.

Assise à même le sol, elle essayait de se calmer avant de faire plus de dégâts. Ce qu'elle pouvait se détester dans ce genre de moment ! Elle était incapable d'avoir le contrôle total de sa magie. Son père l'avait quitté trop tôt, il y avait tellement de choses qu'il n'avait pas eu le temps de lui enseigner. Sa frustration et sa colère se transformèrent en tristesse. Élise avait plusieurs fois essayé de la faire sortir de sa chambre, s'excusant pour l'avoir si sévèrement grondé, lui disant qu'elle voulait juste des explications, cela eu l'effet inverse sur sa fille. Alicia sentait la colère revenir en elle à chaque intervention de l'adulte et elle s'enfermait dans son monde. Seulement sa patience eu des limites et à la dernière intervention de sa mère, elle prit son sac et fourra dedans des objets pelle-mêle ainsi que des vêtements. Un dernier regard sur la porte de sa chambre et elle sortit par la fenêtre, se laissant glisser le long de la gouttière.

C'était l'heure du dîné quand elle était partie et si au départ son ventre ne manifestait aucune faim il avait fini par la rappeler à l'ordre. Elle aurait bien eu envie de râler, mais après tout c'était logique, elle n'avait même pas terminé son goûté. Alicia commanda donc un MacDo à emporter avant de se balader au hasard des rues de Vancouver. C'est ainsi qu'elle termina sur la place de l'opéra. Elle s'installa sur le sol, n'ayant rien à faire de se salir et commença à manger son repas. Jusqu'à présent personne n'était venue l'embêter ou lui demander ce qu'une jeune fille de son âge faisait dehors à une heure pareille. Elle avait apprécié cela, n'étant pas sûr de supporter une nouvelle confrontation. Malheureusement pour elle, trois jeunes adultes s'avancèrent vers elle. Au début elle les ignora, pensant qu'ils allaient juste passer leur chemin, mais quand ils s'arrêtèrent pile devant elle, il n'y avait plus de doute à avoir. Elle fit alors ce qu'elle savait le mieux faire : ignorer les gens et espérer qu'on finisse par la laisser tranquille. L'un des trois homme ne l'entendit pas de cette manière et lui arracha sa boisson des mains pour obtenir son attention. Sa magie bouillait en elle. Alicia essayait de rester aussi calme que possible : elle ne devait surtout pas laisser sa magie s'exprimer devant autant de monde.

21h à l'horloge intérieur du snack, une friterie belge au bout de la rue menant à l'opéra sur lequel Paul gardait un œil avisé malgré la distance tandis qu'assis en terrasse, il finissait son sandwich hâtivement. Dehors, le soleil était couché depuis 30 minutes, la foule de spectateurs avait disparu à l'intérieur de l'opéra pour assister à leur représentation de musique classique. Sa victime n'était pas réapparue sur le parvis, il pouvait désormais s'occuper à débiter partiellement son compte avec le numéro de carte usurpé.
Il sortit son laptop de son sac à dos, l'ouvrit, brancha une clef usb et appuya sur le bouton de démarrage. Linux paré et Cloud connecté via le wifi de l'établissement où la trentaine de places dont une poignée en extérieur étaient prises, essentiellement par une population jeune et étudiante. Le temps de la connexion et du chargement des paramètres nécessaires, il rejeta un œil au loin. Aux abords de l'opéra, une gamine dégustait son macdo à emporter, visiblement seule. N'étant pas parent lui même ni n'ayant côtoyé beaucoup d'enfants, il ne se préoccupa nullement de cette situation.

Il se créa rapidement une adresse mail bidon, un compte de paiement électronique avec une fausse identité et avec le numéro de CB récemment récupéré. Plus qu'à faire 2-3 petites emplettes sur des sites livrant en moins de 24h dans des points relais pas trop rigoureux sur le contrôle d'identité ou en retrait direct en magasin. Ses achats ne dépassaient pas les 100 dollars canadiens pour éviter d'inquiéter la banque et donc de prévenir son client qui pourrait rapidement bloquer les transactions et faire appel aux autorités. Il évitait aussi de dépouiller complètement la victime aussi aisée soit-elle, Paul avait encore une part de bonne conscience. Il ne cherchait pas à se remplir les poches, juste ce qu'il lui fallait. Ainsi il se commanda de la bouffe à emporter dès le lendemain à la première heure d'ouverture, un petit smartphone d'une sous-marque et quelques fringues d'occasion en vente particulier à particulier.

Cela ne lui avait pas pris plus de 15 minutes pour effectuer toutes ces actions tellement c'était devenu un rituel et avec l'aide de quelques scripts développés maison pour automatiser plusieurs points. Il était satisfait de lui, sa journée avait été efficace. Il passa à la lecture de sa messagerie perso sur diverses boîtes quand son œil fut de nouveau attiré au loin. La fillette était toujours à sa place, mais 3 hommes lui faisaient face. Son gobelet de soda changea violemment de propriétaire.

A cette heure, les alentours de l'Opéra ce n'était pas le désert non plus, yaura bien des passants à pied ou en voiture qui interviendront si ces abrutis continuaient à harceler la jeune fille. Son instinct animal lui dicta cependant à l'oreille que quelque chose clochait dans cette scène. Cela venait-il de la fille, des 3 lascars ou d'autres éléments autour d'eux ? Perturbé par les éléments visuels, sonores et olfactifs dans son environnement immédiat, il n'en sut pas plus de sa position éloignée. Intrigué, piqué de curiosité et ayant achevé sa mission principale, il décida d'aller se rapprocher de la scène pour s'en faire une meilleure opinion.

PC éteint et remballé, sac ajusté sur son dos, Paul quitta nonchalamment sa place du resto délaissant son fond de pinte de blonde et descendit la rue, sur le trottoir opposé. La distance les séparant diminuait progressivement. Faisant mine de n'y prêter attention, il continua à marcher droit toujours sur l'autre trottoir bordé d'une rangé d'arbres qui le masquait en plus de l'obscurité du soir. Il mit ses sens aiguisés en alerte pour suivre le moindre mouvement des protagonistes et leurs conversations. Et plus il se rapprochait, plus il sentait qu'il sera mêlé à cette affaire qu'il le veuille ou non ...

Son silence et son inaction semblaient agacés ses interlocuteurs qui cherchaient l’interaction avec elle. Lorsque celui de gauche lui attrapa le bras elle lui lança un regard noir avant de laisser sa magie s'exprimer. Elle était d'accord pour ne pas s'exposer au commun des mortels comme son père le lui avait fait promettre, mais là ils commençaient à lui taper sur le système et ce n'était vraiment pas la soirée pour : Alicia digérait encore sa rencontre avec ce mystérieux oncle, la dispute avec sa mère ainsi que la mort de son père. Typiquement le genre de soirée où elle avait envie d'être tranquille.

La magie grondait, faisant vibrer l'air autour d'elle et elle n'avait plus aucune envie de la contenir. D'un geste précis, elle leva sa main libre vers son Coca tenu par l'agresseur à sa droite et envoya son contenu dans le visage de celui qui la tenait. Si quelqu'un autour avait pu voir ce qu'il se passait, Alicia s'en moquait sur l'instant, elle voulait juste qu'on la laisse tranquille. Ses assaillants semblaient surpris un court instant avant de sourire, visiblement ravis de leur prise. Cela fit froncer les sourcils de l'adolescente qui s'attendait plutôt à une réaction de peur et de crainte plutôt que de satisfaction. Elle fut néanmoins libéré grâce à son effet de surprise et se positionna en défense, prête à lancer un sort de garde. Leur réaction lui donnait un mauvais pressentiment qui se confirma quand leur regard changea de couleur. Si elle ne connaissait pas grands choses aux autres races, Alicia était sûr de ne pas faire face à des humains. C'était bien sa veine... Était-ce sa punition pour avoir tué son père ? Peut-être, mais il était hors de question qu'elle meurt maintenant ; sa mère était trop fragile, elle avait besoin d'elle pour la protéger de ce monde dont elle ignorait tout.

Prête à en découdre elle remarqua une expression oscillant entre le dégoût, l'amusement et l’impatience sur l'un des assaillants qui quitta sa proie des yeux pour se tourna vers la gauche visiblement attiré par quelques choses d'autres. Les deux autres ne tardèrent pas à suivre le premier et Alicia profita de cet instant pour sortir son bracelet de sa poche, l'enfilant à son poignet. Elle ne voulait pas l'utiliser tout de suite, il ne fallait pas gâcher son utilité, mais elle pourrait en avoir besoin et elle serait prête à présent. Elle récupéra aussi son sac à dos et essaya une fuite, mais une main puissante lui attrapa le bras.

- N'espère pas t'enfuir gamine, tu es à nous. Lui murmura l'être surnaturel à son oreille.

Alicia ne pu empêcher un frisson lui parcourir la colonne vertébrale. Cependant elle ne se laissa pas influencer, concentrée sur sa survie. Elle visa donc le premier objet à porter de sa magie et l'envoya dans le visage de son agresseur. Quand elle vit qu'il s'agissait d'un ridicule mouchoir elle soupira : l'objet avait certes atteint sa cible, mais il n'avait eu pour effet qu'augmenter la colère de celui-ci qui semblait prêt à ne pas attendre ses compagnons pour profiter de sa proie. Il fallait absolument qu'elle se dégage de son emprise pour pouvoir se protéger d'un sort de garde. Son cerveau tourné à plein régime, cherchant une solution pour se sortir de là. Son Coca ! Certes elle avait envoyé le liquide dans le visage d'un de ses agresseurs, mais quand ils le lui avaient arraché des mains elle était quasiment sûr qu'une partie s'était renversée au sol.

Ses yeux se baladèrent rapidement autour d'elle et quand elle identifia la flaque de soda, elle mit toute sa concentration en marche pour le lancer droit dans les yeux de son agresseurs. Celui-ci, trop sûr de lui, n'avait pas prêté attention au manège de l'adolescente et quand il reçu le liquide il la lâcha de surprise. Alicia se dépêcha de s'accroupir au sol et de lancer un bouclier tout autour d'elle. Sa concentration était au maximum, elle ne devait pas flancher avant d'avoir trouvé une porte de sortie. Visiblement son agresseur était peu attentif, imbu de lui-même et propriétaire d'un ego probablement démesuré. C'était ce qui lui avait permis de réussir son coup elle s'en doutait, mais c'est ce qui le rendait aussi très dangereux. De plus elle n'avait aucune idée d'où pouvait se trouver les deux autres.

Spoiler:

Il était arrivé à leur niveau, trottoir opposé, à une dizaine de mètres. La large rue formait comme un fossé entre eux. Paul se tenait droit face au groupe, statique entre deux arbres. La lumière d'un réverbère par dessus, plongeant son visage dans l'ombre. Ses mains pendaient le long de ses cuisses comme prêt à dégainer dans un de ces westerns, mais il ne portait pas d'arme.
Il y avait de l'électricité dans l'air. Le ciel s'était couvert. On ne voyait plus d'étoiles et la lune luisait faiblement à travers un rideau nuageux. Le temps tournait à l'orage !
Celui qui tenait la fillette arborant un bandage ensanglanté à la main, se prit le soda en pleine gueule sans qu'aucun geste brusque n'ait eu lieu. C'était à cet instant de surprise que tout le monde sût à qui chacun avait affaire. En effet, le trio terrible s'était tourné vers Paul, humant et reniflant l'air. Il venait d'être repéré et démasqué. Ils étaient trois, il était seul, ils changèrent de proie.

Seulement deux d'entre eux marchèrent d'un pas décidé vers lui, le troisième s'arrêta pour attraper au vol la fillette qui voulait profiter de l'entrée en scène d'un nouveau protagoniste pour fuir les projecteurs.  

- N'espère pas t'enfuir gamine, tu es à nous.

Visiblement, les vampires -car il s'agissait bien de ces satanés suceurs de sang- visaient deux cibles à la fois. C'était sa chance ! Il campa fermement sur sa position, les fixa chacun profondément, yeux dans les yeux. Quelque chose lui disait qu'ils étaient jeunes dans le sens inexpérimentés. Ils atteignirent le bord de son trottoir sans qu'il ait bronché d'un poil. Il les avait jaugés. L'un, plus téméraire, se tenait un pas plus près que son compère. Il sortit un couteau de sa poche de veste.

- Tu vas goûter ça, chien !

Un éclair zébra le ciel à l'horizon. Un autre éclair de lueur, plus près, juste derrière eux ! Paul vit derrière leurs épaules, un halo lumineux entouré la fillette accroupie à terre et son agresseur se tenir le visage des deux mains. Surpris aussi, les deux autres à sa portée avaient tourné la tête en arrière. Un nouvel éclair de lumière : une voiture remontait la rue.

- Goûtes plutôt ça !

Paul balança un violent coup de pied à celui des deux qui était armé. Le vampire fut percuté en plein plongeon arrière par le pickup dont un phare explosa et une partie du pare-brise. Les crissements de pneus furent suivis du bruit sourd du corps retombant au sol. Il laissa le second gus planté là car Paul, non transformé, était assez vulnérable face à ces autres créatures surnaturelles et hors de question de changer de peau en pleine rue, en pleine lumière. Il lui fallait du temps car sa transformation n'était pas immédiate, c'était sa vulnérabilité.
Fuyant les lieux de l'accident qui commençait à attirer la foule curieuse alentour, il fila à grandes enjambées dans la première ruelle. L'autre vampire, après un temps d'hésitation, se lança à ses traces. Paul songea un instant à la fillette encore à la merci d'un des vampires. Sa conscience lui dicta qu'il ne pouvait la leur laisser. Il aurait se trouver une planque, un instant de répit pour se muter en bête féroce. Mais sous ces traits, dans ce quartier, il risquait d'attirer trop d'attention. Alors, continuant sa foulée, il décida de faire le tour du quartier pour revenir au point de départ. Les 3 vampires auront été séparés, il sera plus aisé de les confronter un à un.

Sous son sort de garde elle se savait en sécurité, cependant celui-ci ne durerait pas longtemps : elle avait déjà utilisé une bonne partie de son énergie magique. Il lui fallait vite trouver une solution car chaque secondes comptaient. Son agresseur s'énervait sur la légère lumière magique l'entourant, créant des vagues sur la surface de celle-ci. Alicia sentait chacun des coups se répercuter dans ses bras. Il fallait qu'elle soit forte, qu'elle tienne le plus longtemps possible. Par réflexe, elle ferma les yeux pour focaliser sa concentration tout en réfléchissant à une sortie. Une lumière et le bruit sourd d'un choc lui fit ouvrir les yeux : une voiture avait cogné quelqu'un. Une masse commençait à se former autours de l'accident. Un œil sur le côté lui permis de voir un homme faisant face à l'un de ses agresseurs. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que c'était le dernier qui était allongé sur la route. Il était donc hors-jeu. Avec la foule, il ne pourrait pas se relever aussi vite et se remettre à attaquer, cela paraîtrait anormale et s'il y avait bien une chose qu'elle savait des races, c'est qu'ils devaient tous se cacher. Il ne restait donc plus que son agresseur principal et un autre aux prises avec un homme qui s'était d'ailleurs mit à courir, éloignant son deuxième problème. Il n'en restait donc plus qu'un.

Tout à coup un déclic se fit dans sa tête : la foule. Qu'elle idiote pour ne pas y avoir pensée plus tôt ! La foule serait son salut. Si elle arrivait à se mêler à celle-ci elle ne serait plus en danger : le problème une majeur partie de la foule extérieur s'était agglomérée autours de la voiture et du blessé. Les terrasses des restaurants s'étaient vidée et à cette heure tardive, sur la place de l'Opéra il n'y avait plus personne. Alicia se pressa de trouver un endroit, un point de rassemblement mais il n'y avait rien. Elle n'avait donc plus que la solution de rejoindre la foule des curieux. Certes elle pourrait y être en sécurité, mais en même temps elle frôlait le danger puisqu'un de ses agresseurs s'y trouvait. Cependant elle n'eut pas le temps de se plonger plus longtemps dans ses réflexions : sa barrière perdait en intensité, ce n'était plus qu'une question de seconde avant qu'elle lâche définitivement. Puisant dans ses réserves elle chargea sa barrière au maximum, activa son bracelet et la désactiva. L'adolescente ne prit pas le temps de regarder derrière elle, ne chercha pas à savoir si elle était suivit ou non, si la magie insufflée par son père fonctionnait. Elle fonça aussi vite que sa fatigue lui permettait pour se glisser dans la foule.

Lorsqu'elle fut à son contact Alicia se laissa tomber de soulagement et d'épuisement au sol. Maintenant qu'elle avait une sécurité temporaire, il lui fallait réfléchir à une solution plus durable. Elle pouvait voir sur le trottoir qu'elle venait d'abandonner son agresseur visiblement de mauvaise humeur, mais il resta en place, fixant la foule. Il devait sentir sa présence, mais n'était pas capable de la voir. Elle remercia silencieusement son père de lui avoir offert ce bracelet. C'était la deuxième fois qu'il lui sauvait la vie. Assise au sol, elle ramena ses genoux contre sa poitrine, observant l'être surnaturel en face d'elle. Il était hors de question de rentrer à la maison tant qu'elle ne serait pas sûre qu'on ne la traquait plus. Rentrer serait exposer sa mère au danger et il en était hors de question. De plus elle n'avait plus assez d'énergie pour fuir proprement par ses propres moyens, il lui faudrait trouver de l'aide. Peut-être que cet homme qui avait fait diversion, probablement involontairement pourrait l'aider, s'il survivait à son agresseur évidemment.

La magie de son bracelet commençait à se dissiper tout comme la foule qui regagnait doucement ses préoccupations premières. Son répit n'aura été que de courte durée, mais elle décida de se lever et de suivre le mouvement. Il fallait à tout prix qu'elle reste dans la foule si elle voulait être en sécurité. C'est à ce moment-là qu'elle aperçut à nouveau l'homme. Il avait survécu ! Alicia se dirigea vers lui, l'esprit ampli d'espoir, mais avant d'avoir pu le rejoindre elle tomba inconsciente au milieu de la route.

Spoiler:

Enjambant voir sautant avec aisance (en tout cas par rapport à un humain lambda) des grillages, des palissades, des containers à poubelles et autres obstacles dans le dédale des ruelles en retrait de l'artère principale, Paul réussit à semer son poursuivant parti avec un temps de retard et visiblement moins téméraire que ses deux comparses dont l'un avait mangé le bitume et l'autre s'attardait à s'occuper d'une proie plus faible, mais plus facile.
Chemin faisant, il avait cherché à trouver une barre métallique ou tout autre objet long et solide qui aurait pu lui permettre de neutraliser au moins temporairement son adversaire, en vain (échec au dé). Tant pis, il ne lui restait plus qu'à jouer la montre !

Dernier virage à gauche, contournant le long bâtiment faisant l'angle, Paul avait de nouveau la scène d'accident en visuel. Le vampire renversé s'était relevé, une tempe et un bras rougis par le sang. Craquement d'os alors qu'il remettait son épaule en place. Le conducteur choqué, téléphone à l'oreille en train d'appeler les secours, s'était rapproché mais fut prestement repoussé ainsi que d'autres témoins venus aux nouvelles pour porter les premiers soins si nécessaire. Sa victime leva son bras valide pour faire signe à l'attroupement formé autour d'eux qu'il se portait plutôt bien et, à reculons, commença à s'éloigner. Pas question pour celui-ci de s'attarder et voir débarquer ambulance et véhicule de police.

Un de moins. Où était la petite ? Elle était là, au milieu des badauds curieux aux abords de la scène. Un peu plus loin en retrait, le premier des vampires ne la lâchait pas des yeux. La foule commençait à se disperser progressivement, chacun reprenant son activité hormis le conducteur au véhicule partiellement endommagé s'interrogeant encore sur la situation. Paul continua à se rapprocher et alors elle le vit. Il marqua un arrêt, ils s'entre-regardèrent un instant et elle poursuivit sa route en sa direction, déterminée.

Que représentait-il pour elle ? Un salut ? L'avait-elle désigné comme son sauveur providentiel volontaire d'office ? L'autre vampire était sur les pas de la fillette mais avait lui aussi marqué un arrêt à la vue du Lycan. Un regard autour cherchant désespérément le soutien de ses acolytes absents des lieux pour l'heure. Voilà ce qui décida Paul à rejoindre la gamine qu'il vit défaillir et s'écrouler sur la chaussée. A petite foulée, il vint rapidement à son niveau et la souleva dans ses bras. Elle ne semblait pas peser plus lourd qu'une plume. Un jeune couple s'était rapproché.

- Ma fille ne supporte pas la vue du sang.

Maintenant s'éloigner. Direction opposée, vers le sud-est du quartier. Les bras encombrés, il ne pourra pas créer de distance suffisante. L'opéra était loin maintenant derrière eux, à plusieurs centaines de mètres.
Alors s'isoler. A peine 10 minutes qu'il avait récupéré la fille, la première ruelle ferait l'affaire. Il s'y engagea. Ses sens lui indiquèrent qu'il était suivi non pas par une, mais deux paires de pas. Pas besoin de se retourner pour savoir que celui qu'il avait égaré plus tôt était revenu. Deux valait mieux que trois.

Paul posa la fille puis son sac à terre et se retourna, traits du visage tendus : sa transformation avait déjà débuté ! Ses articulations craquèrent, ses muscles enflèrent tirant la peau. De longs poils noirs recouvrirent ses membres, son dos, son torse et gagnèrent le visage. Les deux poursuivants s'étaient arrêter net. Leur temps d'hésitation avant qu'ils décident de se précipiter sur lui fut salvateur. Car Paul tordu par la douleur de sa rapide transformation n'avait pas mis plus d'une minute pour réapparaître sous son visage de Lycan. Plus grand, plus volumineux (en attestent les lambeaux de t-shirt), plus bestial, plus fort, il était prêt juste à temps pour affronter ses adversaires !
Le meneur des vampires fut le premier sur lui et le premier à se prendre un coup qui l'envoya valdinguer sur le côté. Le second était sur son dos, mais deux pattes poilues et griffues le projetèrent à terre également. Ils se relevèrent. La bête leur faisait face, babines rageuses et baveuses. Elle serait bien allée au contact mais elle gardait précieusement entre ces pattes une jeune fille inconsciente.

- Lâche-la, elle est à nous !

Mais la bête se contenta de lâcher un grognement avant de s'exprimer d'une voix grave, ténébreuse :

- Déguerpissez !

Lorsqu'elle avait vu l'homme au loin, Alicia avait vu en lui une bouée de sauvetage. Elle était à bout de force et n'avait plus aucun tour sur elle. Tout naturellement elle avait perdu conscience ; quand elle se réveilla, elle se trouvait entre les pattes d'une énorme bête poilue. Elle n'osait pas y croire, mais étrangement, si ce qu'elle pensait avait de quoi l'effrayer, elle se sentait plutôt en sécurité. Ses agresseurs semblaient toujours avoir envie d'elle, ce qui ne l'arrangeait pas. Mais l'ordre grave de la bête sembla les faire hésiter un instant avant de se ruer sur l'adolescente. Ce comportement la rassura et des connexions ne tardèrent pas à se faire dans sa tête. Auraient-ils un rapport avec l'assassin de son père ? Sa présence aurait-elle était découverte ce jour-là et on les envoyait terminer le travail ? Beaucoup de questions se bousculaient dans sa tête, mais ce n'était pas l'heure des interrogations.

Alicia secoua la tête pour se concentrer sur l'instant présent. Son sommeil forcé lui avait rendu quelque force, mais elle restait encore faible. Il fallait donc qu'elle reste sur le qui-vive. Elle avait récupéré suffisamment pour jouer un dernier tour à ses agresseurs, se concentrant et s'assurant de toujours être dans les pattes de la bête, elle visa des détritus qui traînaient au sol pour les envoyer au visage des attaquants. Certes ce n'était pas le plus efficace pour riposter à une attaque violente, mais cela suffisait à les perturber le temps d'un instant. De plus, elle ne voulait pas laisser la bête s'occuper de ces deux gars toute seule. C'était de sa faute s'il était dans ce merdier et elle devait l'aider. Son intervention agaça ses cibles qui la regardèrent d'un œil mauvais. Alicia leur aurait bien dit de partir, mais elle en était incapable alors elle essaya de faire passer le message à travers son regard qui se voulait dur et froid.

Ce fut un échec. Les deux vampires reprirent leur attaques, se séparant : l'un attaquant la bête, l'autre se ruant sur Alicia. Si la peur frappait contre son corps, elle s'ordonna de ne pas perdre son sang froid. Son premier réflexe, n'ayant pas le temps de riposter ou de fuir fut de se protéger à l'aide du même bouclier que précédemment. Il ne tiendrait pas longtemps, mais grâce à celui-ci elle permettait à la bête d'être plus libre dans ses mouvements. Du moins Alicia espérait qu'il le comprendrait et qu'il ne se priverait pas pour les protéger. Si elle commençait à se douter de qui était quoi, elle n'avait pas le temps de réfléchir à si cela était possible ou non.

- Encore ton bouclier ! Mais il ne me résistera pas cette fois.

Le vampire, car c'est ce qu'elle pensait qu'il était, n'avait pas tord, mais elle espérait qu'il lui résisterait suffisamment longtemps pour qu'elle puisse réagir ou permettre à la bête de riposter.

Spoiler:

Sa menace n'aura pas eu l'effet escompté ... Sans doute affamés et en délectation devant 2 cibles à leur portée, ils ne voulaient clairement pas lâcher le morceau. Paul aurait pu leur laisser la fille, mais non, il avait une ancienne dette envers des sorciers, il aiderait celle-ci en reconnaissance du passé. D'ailleurs, retrouvant un peu ses esprits, cette dernière peu effrayée au final de se retrouver entre les pattes d'un loup garou s'essaya à balancer des objets à la tronche de ses chasseurs. Son sort n'était pas très puissant et n'eut que pour seul effet de les énerver encore plus ! Se rendant compte de son échec et de leur agressivité dramatiquement croissante, elle réactiva son champ de protection.

- Encore ton bouclier ! Mais il ne me résistera pas cette fois.

Leurs agresseurs se ruèrent à leur tour sur eux, l'un sur la fille et l'autre sur le lycan. Mais l'adversaire ayant compris à qui il avait affaire, avait sorti un couteau de sa poche et, dans un grand saut, lui sauta dessus la lame en avant ! Paul rugit de douleur lorsque le coup porta et l'atteignit à l'épaule. Il chopa néanmoins le bras armé pour éviter qu'il le refrappe de nouveau. Il lui tordit le bras pour qu'il lâche son arme à terre et le frappa au torse toutes griffes sorties et sans le lâcher.
Le vampire hurla à son tour de douleur et lança à plusieurs reprises son poing libre contre son adversaire pour se dégager. Ses coups étaient assez puissants et Paul dût le libérer pour reprendre appui un pas en arrière. A se frapper au corps à corps, le combat risquait de durer. Alors que le vampire allait pour le boxer de nouveau, Paul saisit de nouveau son poing entre ses pattes et balança de toutes ses forces l'adversaire au loin. Ce dernier alla cogner violemment le mur opposé. Paul regarda sa patte, elle tenait encore le bras sanguinolent, détaché du tronc ...
L'autre vampire cessa aussitôt de s'acharner sur le bouclier magique de la petite. Dans une dernière démonstration de sa force supérieure, Paul le frappa en se servant du bras inerte comme d'une massue. Le vampire ne se fit pas prier et recula, aida son partenaire malheureux et démembré à se relever, puis ils s'enfuirent.

Au loin une sirène retentissait. La police. Ne trainons pas dans les parages ! Saisissant son sac et la fillette épuisée par l'arrière (presque par la peau du cou), il s'éloigna à grandes enjambées, des bonds jusqu'à 15-20 mètres, veillant à rester à couverts dans les zones d'ombre du quartier à cette heure avancée de la nuit. Ils furent ainsi vite en retrait.
Paul déposa alors délicatement son colis à terre et, progressivement, ses traits humains refirent surface. Il était pieds nus et torse nu : ces vêtements n'ayant pas survécu à la transformation. Une plaie à l'épaule faite à l'arme blanche était encore visible et s'estompait petit à petit. Paul haletait suite à la dépense d'énergie vécue ces dernières longues minutes. Il se saisit de son sac à dos et l'ouvrit, dévoilant un pc portable. Il sortit un t-shirt moulant et une paire de sneakers qu'il enfila.

Il hésita à tendre une main à la fillette mais se rétracta. D'un côté, elle paraissait un peu effrayée, mais surtout elle ne tiendrait sûrement pas debout ! Alors il préféra s'accroupir pour se mettre à sa hauteur. Sûr qu'elle avait du caractère déjà pour s'aventurer seule de nuit. Elle n'avait pas non plus manqué de courage et de réactivité face à la menace, sans céder ni à la peur ni à la panique. De fait, elle lui paraissait plus mûre que son physique pouvait laisser paraître. Il prit un instant supplémentaire pour l'observer. Ce n'était pas dans ses intentions de la sermonner, elle était suffisamment grande pour gérer sa vie comme elle l'entendait et ce n'était pas ses affaires après tout. D'une voix qu'il voulut la plus douce, la plus calme, la plus posée possible, il s'adressa alors à elle :

- Moi c'est Paul. Il marqua une pause pour voir sa réaction. Tu veux que je te ramène chez toi ?

Lorsque la bête rugit de douleur, Alicia tourna son attention sur celui-ci. Elle aurait voulu lui venir en aide, mais elle s'en savait incapable. Le meilleur moyen de le soutenir était encore de se concentrer sur sa protection afin de ne pas devenir un poids pour lui. Les cris du combat l'angoissait, elle n'aimait définitivement pas cela. Elle pria Olivier de lui tenir compagnie, de lui changer les idées tout en l'aidant à se concentrer, mais cela était trop compliqué pour elle car aux moindre voyage dans ses pensées sa magie faiblissait. Elle se força donc à se concentrer uniquement sur son attaquant, essayant d'ignorer au mieux le combat qui se passait juste à côté d'elle. Soudain tout devient plus calme et un bras sanguinolent frappât son attaquant. Cette image fit écarquiller les yeux de l'adolescente qui ne put retenir un haut le cœur et vida son estomac sur le sol. Sa barrière lâcha au même instant et avant même qu'elle puisse poser la moindre question, elle se sentit soulevée et vit le paysage défiler sous ses yeux. Alicia se retient de vomir durant le trajet et remercia un quelconque dieu pour la courte durée de celui-ci.

Une fois sur la terre ferme, elle vida une deuxième fois son estomac, tout en étant surprise de voir la bête redevenir l'homme qu'elle avait choisit comme sauveur. Si elle s'en était doutée, cela restait impressionnant à voir ; principalement sa blessure qui disparaissait au fur et à mesure ne laissant aucune trace sur sa peau. Si elle ne se sentait pas retournée par toutes ces émotions et la fatigue, Alicia aurait sans doute cherchait à toucher l'épaule de l'homme pour examiner comment la blessure avait pu disparaître, mais à l'heure actuelle, elle préféra s'éloigner de la marre de vomis et se laissa tomber assise au sol. Elle avait vu beaucoup de chose en très peu de temps, son cerveau n'arrivait pas encore à tout assimilé, mais des pièces de puzzle commençaient à se mettre en place. Sa famille était-elle menacée par des vampires ? Était-ce pour cela que son père disparaissait le soir, pour les protéger ? Leur de leur prochaine rencontre, il faudrait qu'elle en parle à Aaron. Si elle ne lui faisait pas encore confiance, il était le seul à pouvoir l'aider pour la suite. La vérité qui se cachait derrière tous ces non-dits commençait à lui faire peur. Avait-elle vraiment envie de découvrir tout cela ? Pourquoi son père ne pouvait-il pas être encore-là pour lui laisser son innocence ? Son absence lui pesait bien plus sur le cœur ce soir.

Alicia se sentit observé, mut par un réflexe de protection elle redressa la tête s'apprêtant à lancer un sortilège, mais elle se stoppa net en se rappelant qu'il s'agissait uniquement de son sauveur. Au bout de quelques secondes il prit la parole d'une voix douce et calme qui fit du bien à l'adolescente encore en proie à la panique et à l'adrénaline dû à l'action. Elle fouilla dans son sac pour sortir son téléphone portable et tapa rapidement dessus avant de montrer l'écran à Paul.

« Je suis muette. Merci pour votre aide. Je m'appelle Alicia. Et non, il n'est pas bon pour moi de rentrer tout de suite à la maison. C'est trop dangereux. »

Il était effectivement trop dangereux de rentrer à ses yeux. Elle ne savait pas si les vampires allaient les suivre, repérer là où elle habitait et elle ne pouvait pas exposer sa mère au danger. Si ses réflexions étaient bonnes, il fallait d'abord qu'elle soit sûr de ne pas être suivi ou encore exposé à la menace avant de rentrer. De plus elle ne se sentait pas non plus la force d'affronter la colère, sans doute justifiée, de sa mère lorsqu'elle rentrerait. Elle se voyait mal en effet rentrer en douce si Paul la raccompagnait. Elle se mordilla la lèvre dans un moment de réflexion et d'hésitation, puis se décida à tenter sa chance malgré tout. Alicia tapa à nouveau sur le clavier tactile, faisant au plus rapide possible.

« Est-ce que je peux rester avec vous ? Je... J'avoue que j'ai un peu peur de rester seule ce soir. »

Elle n'osa pas parler de ce qu'elle avait vu, ni de ce qu'elle pensait avoir comprit. Elle n'arrivait pas encore à y croire malgré toutes les connexions qu'elle pouvait faire avec ce qu'elle avait lu et vu. L'adrénaline conférait par l'action commençait à descendre et Alicia en sentait à présent le contre coup. Elle n'avait pas spécialement envie de dormir, mais elle se sentait lasse et n'avait plus la force de bouger ou de faire quoi que ce soit. La solution de facilité était donc d'abuser encore un peu de la gentillesse de son sauveur pour passer une nuit en toute sécurité. S'il refusait, elle ne savait pas ce qu'elle ferait, mais elle espérait sincèrement qui ne lui refuse pas sa demande.

La jeune fille n'avait toujours pas sorti un son, mais elle sortait un téléphone de son sac ! Comptait-elle appeler la police ou bien sa famille ? Paul fut surpris de sa réaction jusqu'à ce qu'elle lui tende l'objet en question et qu'il y lise le message pianoté rapidement de ses doigts habiles. Il ne s'agissait pas d'un SMS, mais d'un mot écrit à son intention...

Une muette ! Elle était muette ! Voilà pourquoi elle n'avait pas hurlé une seule fois. Pratique ... Elle écrivait ne pas souhaiter rentrer, de peur d'un danger. Paul tourna à cette phrase la tête de chaque côté, faisant un tour d'horizon à 360°. Sa vision et son ouïe surdéveloppées ne relevèrent aucune trace des vampires. Il avait eu leur compte. Ils ne devraient pas revenir se frotter à eux d'aussi tôt ! Avait-elle peur qu'ils soient suivis, qu'ils les pistent jusque chez elle ?

Les sourcils froncés, Paul digérait toutes ces informations. Sa double transformation l'avait fatigué nerveusement et il avait du mal à réfléchir correctement. Ses pensées n'allèrent pas plus loin qu'Alicia -ainsi se prénommait-elle- retapait un nouveau mot. Elle demandait cette fois à rester avec lui. Nouveau froncement de sourcil, un début de mal de crâne. Il n'était pas responsable d'elle, elle aurait mieux fait de chercher à regagner les siens. Qui étaient les siens d'ailleurs ? Elle parle de sa maison, elle a donc un foyer, une famille. Mais elle évoque aussi sa peur de se retrouver seule, comme si elle ressentait déjà cette solitude avant. Serait-elle comme lui une solitaire, isolée des autres membres de leur espère surnaturelle ? C'était une possibilité.

Il reprit le temps de l'observer de la tête jusqu'aux pieds. Sa robe était maculée de soda, de crasse, de vomis, de sang. Expliquez sa tenue à son retour maison pourrait lui causer des problèmes. Et des problèmes, elle en avait eu son lot pour la soirée. Fouillant à son tour dans son sac, il en sortit un paquet de mouchoirs et une bouteille d'eau qu'il tendit à la fillette.

- De l'eau.

Il compatit à sa situation, mais se posa la question de la suite. Qu'allait-il faire d'elle maintenant ? La ramener chez lui ? Il y songea. C'était le risque de cramer sa propre adresse... D'un autre côté, Paul avait l'habitude de bouger régulièrement de lieux et ses maigres affaires de valeur, il les avait sur lui, mais surtout sur des serveurs internet, là où étaient stockées ses données, ses outils les plus précieux. Son instinct lui soufflait à l'oreille que cette fillette n'était pas un danger pour lui, qu'il ne s'agissait pas d'un piège d'autres sorciers pour le traquer si tant est qu'elle en connaissait d'autres ! Et puis... ce n'était qu'une gamine.

- J't'emmène chez moi. Un peu de bus, un peu de marche. Ce sera plus sûr. Mais... T'as personne à prévenir ?

Allait-elle accepter de le suivre, une fillette accompagnant un loup garou d'un âge avancé jusque dans son antre ? Jusqu'à présent, elle lui avait accordé toute sa confiance. C'était totalement irraisonné, irréfléchi, imprudent !!! Mais ainsi agissait-il lui aussi. Il la laissa tapoter encore une fois son téléphone, un bon modèle au passage. Il regarda le message et acquiesça.

La soutenant pour marcher, la portant presque, ils gagnèrent une ligne de bus de nuit. Par chance, ils n'attendirent pas longtemps. Sortant une liasse de billets froissés de petite coupure, il règla avec une moue les deux tickets. Plusieurs arrêts plus loin, ils descendirent et c'est dans les bras de Paul qu'ils arrivèrent jusqu'à son petite studio isolé. Il la posa sur son lit simple et, lui, alla s'installer à son petit bureau, alluma son pc. Il avait du travail : trouver et pirater toutes les caméras de surveillance du quartier de l'opéra pour trouver d'éventuelles images de leur passage, en faire une copie pour lui et les effacer.

Alicia était heureuse que Paul n'est pas refusé sa demande. Au moins elle n'aurait pas à trouver un endroit où dormir. Elle ne s'imaginait pas cavaler à travers la ville, seule pour trouver un refuge. Bien sûr elle aurait pu au final rentrer chez elle, mais c'était hors de question. Elle préférait encore dormir sous un pont plutôt que d'exposer sa mère au danger surnaturel. Ce n'était surtout pas comme cela qu'elle voulait qu'elle découvre ce secret qu'elle partageait avec son père. L'adolescente accepta volontiers l'eau que lui offrait son sauveur, buvant à grande gorgée, appréciant le liquide qui dissipait les restes d'acide qu'elle avait dans la gorge. L'homme ne semblait pas être si agressif malgré sa démonstration de force précédemment. Alicia se sentait bien en sa présence et elle savait que ce n'était pas qu'à cause du fait qu'il l'avait sauvé ou qu'il ne la brusquait pas : elle n'avait pas besoin de se cacher. Il était aussi un surnaturel, tout comme elle, juste pas la même race. Lorsqu'elle serait plus en forme, elle lui poserait de nombreuses questions pour essayer de comprendre, mais pour l'instant elle se contenta de l'écouter, d’acquiescer puis de taper une réponse sur son téléphone. Elle hésita, commença à taper une réponse puis l'effaça. Elle aurait pu prévenir Aaron, mais elle ne se sentait pas encore assez en confiance pour lui en parler. Il rappliquerait sans doute chez Paul pour venir la chercher et si elle avait comprit qu'il ne lui ferait pas de mal, elle ne savait pas comment il réagirait, ni ce qu'il ferait face à cette histoire. Alors pour l'instant elle préféra le garder à l'écart de tout cela.

« Personne. »

Sur le trajet, elle se laissa guidé par son sauveur, trop fatiguée pour prendre des initiatives. Lorsqu'ils furent dans le bus, elle se cala dans un siège contre la vitre et se laissa tomber. La route la berça doucement, l'emportant un peu plus à chaque arrêt vers les bras de Morphée. Quand ils furent arrivés à leur station, Alicia était vaporeuse, se réveillant seulement car elle sentait qu'on la portait. Elle s'accrocha à Paul pour être sûr de ne pas tomber. À cet instant elle n'avait aucune idée des regards qu'on avait pu jeter sur eux à cause de sa tenue et de leur écart d'âge. Certes il aurait pu être son père ou son oncle et c'est d'ailleurs ce qu'elle aurait répondu si on l'avait interrogé sur leur relation. S'il était un oncle, pas besoin de grande ressemblance physique et cela pourrait parfaitement expliquer la façon dont il la traité. Personne n'avait besoin de connaître la vérité.

Lorsqu'il la posa sur son lit, elle se tourna pour pouvoir voir le dos de son sauveur qui s'était installé à son bureau et semblait s'être mis à travailler. Elle ne savait pas ce qu'il pouvait bien faire et s'en souciait peu. Elle était à présent au chaud et en sécurité, c'est tout ce qu'il comptait à ses yeux. Le sommeil la gagna rapidement, mais s'il fut calme les premières minutes, rapidement elle commença à s'agiter et à pleurer. Alicia revoyait la scène de la mort de son père. Elle était totalement impuissante, plus faible qu'aujourd'hui ; Incapable de le protéger elle l'avait vu se faire vider de son sang avant de prendre ses jambes à son cou. Tout d'un coup elle se réveilla en se redressant. Et si son père n'avait pas su se défendre car il savait sa présence et voulait la protéger à tout prix ? Cette réflexion lui assena un coup : elle avait belle et bien tuée son père, peu importe ce qu'on pourrait lui dire, elle était la cause de sa mort. Paul était encore devant son ordinateur, elle ne savait pas si elle pouvait abuser une nouvelle fois de sa gentillesse et le déranger, mais elle ne voulait plus dormir. Si cela était pour revoir encore et encore la même scène, elle préférait rester éveiller le plus longtemps possible. Alors elle se leva, chercha son sac des yeux pour y récupérer son téléphone avant de rejoindre l'homme. Elle tapa son message avant de taper délicatement sur le dos de Paul. Quand elle eu son attention, elle lui montra le téléphone :

« Je peux te déranger ? J'aimerais te poser des questions si ça te va. »

Alicia se sentait toujours faible, mais elle allait mieux, son besoin de sommeil n'était plus si important que cela. Il était donc temps de discuter et de parler surnaturel ; Beaucoup de questions se bousculer dans sa tête et elle était certaine que le loups-garou aurait de nombreuses réponses à lui donner. À cet instant elle regretta de ne pas être capable de parler par télépathie, cela était tellement plus simple pour ce genre de situation. Il fallait absolument qu'elle songe à demander à son oncle de lui apprendre ce sortilège.

Alicia avait elle aussi un sommeil difficile. Cela devait affecter tout être qu'on classerait dans la catégorie surnaturelle ... Paul avait toutefois eu le temps d'accéder à la vidéosurveillance de la ville via une "porte numérique" qu'il y avait installée depuis plusieurs mois grâce à un virus de sa conception. En haut à gauche de son écran, une fenêtre contenait la vidéo d'une bagarre opposant 3 hommes (les vampires) contre une ombre de grande taille (lui-même) proposant un colis (la fillette) et dont il aurait été assez difficile pour un humain lambda de deviner la nature. Par sécurité, il avait effacé le passage vidéo de la base de données de la ville et gardé une copie pour lui pour archives.

Dans son rêve agité, elle évoqua son père. Son père serait mort devant ses yeux et cela la taraudait encore. Serait-elle orpheline ? Avant de prendre le chemin du retour, elle lui avait indiqué n'avoir personne à contacter. Mais elle n'était pas non plus à la rue, pas une tête à être dans un orphelinat. Sans doute adoptée ou prise en charge par un proche parent. Pour se retrouver seule en pleine nuit, elle aurait très probablement fuguée, fuyant son foyer et les adultes qui l'avaient prise en charge. Elle se releva n'arrivant plus à dormir paisiblement et tapota un message. Elle souhaitait le questionner. Paul fronça les sourcils. Voulait-elle en savoir plus sur lui ? Il ne tenait vraiment pas à lui raconter sa vie ! Ou bien, suite à son cauchemar, avait-elle des interrogations plutôt de son côté ?

Mais alors qu'il consultait son message, une notification s'afficha sur le smartphone : il ne restait plus que 15% de batterie. Paul se redressa et poussa gentillement son unique chaise en direction de la fillette tandis qu'il attrapait un petit carton rempli de câbles où il farfouilla pour dénicher un chargeur compatible qu'il lui tendit en désignant du doigt la prise la plus proche où elle pourrait se brancher. Il saisit sa tasse qui trônait sur le bureau, y jeta plusieurs cuillères d'une poudre noire et alluma la bouilloire. A destination d'Alicia, il prit un verre à peu près propre.

- Café ? ... ou plutôt du thé ?

Il la laissa choisir et servit l'eau chaude. Ouvrant un logiciel de traitement de texte en licence gratuite tournant sur son système Linux, il lui tendit le clavier après un court instant d'hésitation. Ce sera plus rapide et plus efficace que via son petit écran de téléphone.

- Que veux-tu savoir ? Je te renseignerais dans la mesure du possible.

Si elle souhaitait l'interroger sur les événements de la soirée, il n'avait pas grand chose à dire sur les trois lascars qui s'en étaient pris à eux dans la mesure où c'était la première fois qu'il croisait leur chemin tant dans les rues de la ville que sur les caméras de surveillance. Il pourrait lui repasser la bande si cela ne risquait pas de l'effrayer en le revisionnant. Parler des vampires, pour les avoir rarement rencontrés, s'efforçant de les éviter, il lui raconterait ce qu'il en savait et qu'il les considérait comme des bêtes haineuses avides de sang et de mort.
L'interrogerait-elle sur sa propre nature de Lycan ? Il lui raconterait rapidement qu'il était un humain à l'origine, qu'il a été transformé il y a longtemps de cela. Il lui raconterait l'origine de leur race telle que cela lui a été transmis par un clan de Lycans.
Voudrait-elle son avis sur les sorciers ? Il en parlerait vaguement ayant été à plusieurs reprises traqué par ceux-ci et ayant de fait une certaine rancœur à leur égard.

Paul lut ce qu'elle tapa au clavier et entreprit de lui répondre en conséquence. Du fait de sa jeunesse et du manque d'encadrement, d'un mentor pour lui expliquer tout ce qui se tramait loin du regard des humains, elle avait une foultitude de questions. Leurs échanges durèrent des heures. De l'eau chaude fut resservie.

Le soleil se levait. Paul avait alterné entre une position debout à côté de l'écran pour y lire les messages et une position assise sur le bord du lit. De ses petits doigts agiles, Alicia n'avait eu de cesse d'écrire ses questionnements, son ressenti sur divers sujets. Elle était plus mûre que son âge ne le supposait. De fait, Paul n'avait pas cherché à la traiter comme une enfant, à lui taire des choses trop sensibles. Il lui désigna la pièce d'eau où se trouvaient les toilettes et une petite douche si elle souhaitait se débarbouiller et se rafraîchir.

Paul secoua son paquet de céréales quasi vides. Il avait besoin de faire un ravitaillement à l'épicier du coin. Il proposerait également à la fillette de la raccompagner chez elle.

Elle avait regardait Paul manœuvrer, ne comprenant pas immédiatement ce qu'il pouvait chercher. C'est quand il lui donna le chargeur qu'elle comprit et s’exécuta pour brancher son téléphone portable. Il est vrai qu'elle l'avait pas mal utilisé aujourd'hui. Pendant qu'elle manœuvrait, l'adulte lui proposa une boisson chaude. Pas de chance, elle ne buvait ni café, ni thé, mais l'eau étant versé elle fouilla dans son sac pour y dénicher un sachet de sucre. Vu l'énergie qu'elle avait consommé dans ce combat et malgré le repos qu'elle avait pris, elle ne doutait pas que son corps serait ravi d'ingérer ce petit remontant. De plus, elle ne voulait pas vexer Paul en refusant la boisson qu'il lui offrait : après tout, il était bien aimable de continuer à l'aider. Elle avait déjà trouvé son aide providentielle contre ces vampires, elle ne saurait d'ailleurs jamais le remercier assez pour tout ce qu'il était en train de faire pour elle. Alicia n'osait imaginer ce qu'il aurait pu se passer si elle avait dû dormir dehors cette nuit.

Pendant qu'elle mélangeait l'eau et le sucre Paul lança un logiciel de traitement de texte et lui tendit le clavier. Ce n'était pas bête comme idée, beaucoup plus simple et rapide que sur un téléphone. Alicia s'installa devant l'ordinateur, abandonnant son verre à côté et commença à taper au fur et à mesure de ses pensées.

« Bon alors, je suis une sorcière et visiblement, nous ne sommes pas les seules races surnaturelles. Ce soir j'ai découverts des... » Elle hésita quelques secondes avant de secouer vivement la tête, se donnant du courage pour oser écrire ce qui allait suivre. « vampires. Ceux qui visiblement ont tués mon père. Enfin je ne sais pas si c'est les mêmes, mais la race oui. Mais ils sont quoi au juste ? Parce que je dis vampire, mais c'est en me basant sur les légendes... » Elle fit une pause, regarda Paul et continua d'écrire. « Aussi vous n'êtes pas juste un humain. Votre transformation, vous êtes un loups-garous ? Enfin pareil que les vampires, c'est quoi ? »

Alicia fit une pause pour écouter les réponses de Paul, essayant de bien tout comprendre et retenir. Il était à l'instant une source d'information précieuse pour elle, lui qui semblait en connaître plus sur ce monde que ce qu'elle n'aurait jamais pu imaginer. Quand il eu finit elle se retourna vers l'écran et reprit son écriture.

« D'accord. Mais du coup, qui est dangereux et qui ne l'est pas ? Visiblement, vous vous ne l'êtes pas, mais est-ce le cas de tout le monde ? Peut-on vraiment vivre tous ensemble sans problème ? » Tout d'un coup une idée se forma dans sa tête, une idée qui la fit grimacer « Y a t-il d'autre races que les trois identifiés ? Sommes nous plus nombreux que ce que je peux imaginer ? Je dois savoir tout cela pour protéger maman ! Ne me cachait rien ! Je suis suffisamment grande pour comprendre et entendre ! »

Cette dernière remarque n'était pas vraiment à l'encontre de Paul, mais plus à l'encontre de tous ces adultes qui l'avaient ménagé jusque là, lui cachant de nombreux secrets. Le résultats de tout cela était une catastrophe : tout ce qu'elle avait crû savoir n'était que mensonge et elle avait construit sa vie dessus. Elle ne voulait plus de cela, elle était assez grande pour comprendre et agir en conséquence. De plus si elle devait protéger sa mère du surnaturel il fallait qu'elle soit au courant de tout ; rien ne devait lui être caché, sinon elle ne serait pas capable d'anticiper les besoins. Au même instant son téléphone sonna, un simple coup d’œil lui permis de voir qu'il s'agissait de sa mère. Elle soupira, comme à chaque fugue, elle ne cessait de l'appeler, espérant sans doute qu'elle réponde et qu'elle rentre. Alicia se contenta de passer l'appareil en silencieux, tournant l'écran sur la table afin de ne plus apercevoir les appels entrant. Ce n'était pas encore l'heure de rentrer. Elle devait lever encore de nombreux mystères avant de retrouver celle qui était tout à ses yeux : sa mère. Certes elle n'était pas biologique, mais c'était tout comme pour Alicia. Elle n'avait pas connu celle qui l'avait mise au monde, tous ses souvenirs étaient avec Élise, celle qui l'avait vu grandir et qui l'avait aidé à chaque instant.